Le livre des Juges - Église Protestante Baptiste de Faremoutiers

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Le livre des Juges
Un appel au roi des rois

On aurait pu espérer une fin du livre, qui donne un semblant d'optimisme. Mais ce dernier acte est tout aussi pathétique que le reste. Les israélites ont ici cherché à châtier les coupables d’un crime odieux. Cela, ils ont eu raison de le faire ! Mais la justice s’est transformée en pugilat. Et comme quand on se réveille d’un mauvais rêve, Israël se rend tout à coup compte de la situation ! À cause de leur violence irréfléchie, une tribu est sur le point de disparaître. Les serments qui ont été prononcés pour se donner du cœur à l’ouvrage n’arrangent rien à la situation ! Pour se sortir de l’impasse, Israël invente un stratagème aberrant, pour à la fois respecter sa parole devant Dieu et à la fois sauver Benjamin. C’est une nouvelle démonstration de notre aveuglement humain : comme les israélites nous sommes capables de nous convaincre que nous agissons avec probité, alors que nous avons les 2 pieds dans le péché !

Mais c’est pourtant sur une certaine forme d’espoir en l’avenir que se termine le livre des Juges. Peut-être avez-vous remarqué cette dernière mention « en ces temps-là, il n’y avait pas de roi en Israël, chacun faisait ce qu’il lui semblait bon. » Elle revient à 4 reprises dans les deux conclusions (17.6, 18.1, 19.1, 21.25). En quoi cette mention offre un dernier éclairage très important avant de refermer notre livre ?

Elle nous aide tout d’abord à repérer que l’auteur porte un regard très critique sur ces deux derniers récits et plus généralement sur l’ensemble de son propos. Le livre des Juges nous a dérangés à plusieurs reprises. Les situations sont souvent malsaines, et nous n’avons pas beaucoup d’indices pour savoir ce qu’il faut en retirer. Cette mention nous permet de conclure que la plupart des choses que l’auteur nous a présentées lui posent problème. Il nous laisse aussi une explication sur l’égarement du peuple de Dieu, en terre promise. C’est parce que chacun a fait ce qu’il lui semblait bon que le chaos a atteint une telle démesure en Israël !

Elle indique ensuite une idéologie politique chez l’auteur. L’échec de la période des « chefs-juges » appelle un changement de système politique. À cause de la menace persistante des Cananéens, à cause de l’incapacité d’Israël à rester fidèle à la Loi de l’Éternel, à cause de leurs propres faiblesses, les « chefs-juges » ne sont pas en mesure de mettre en place un régime politique suffisamment stable pour réaliser l’unité du peuple et assurer sa survie. À plusieurs reprises, des conflits entre les tribus sont apparus, allant, pour finir, jusqu’à menacer l’existence de l’une d’entre elles ! L’auteur nous prépare ici à la suite de la révélation biblique, qui se poursuivra notamment sur la manière dont Israël se choisira un roi (en 1 Samuel). Notons cependant que la monarchie n’empêchera pas la désobéissance et donc la déportation du peuple d’Israël ! Aucun système politique n’est suffisant pour régler le problème profond du cœur humain.

C’est pourquoi notre petit refrain semble pointer plus loin. Si Israël s’est laissé à ce point aveugler sur lui-même et s’enfoncer dans l’idolâtrie, c’est parce qu’il n’a pas reconnu Dieu pour son Roi. Malgré la spirale infernale et sans fin qui traverse le livre des Juges, l’Éternel n’en a pourtant pas fini avec son peuple. Il veut qu’il le reconnaisse définitivement pour le roi des rois ! Dès la prochaine page de notre Bible, un inconnu entre sur le devant de la scène : son nom, Elimélek, qui signifie… mon Dieu est roi ! Son histoire, qu’on lit dans le livre de Ruth, contribuera à la venue au monde d’un roi humain le roi David, qui lui-même préparera une royauté éternelle (2 Samuel  7.8-16) ! De sa descendance naîtra Jésus, celui que Dieu a envoyé, pour qu’Il vienne instaurer son royaume sur la terre comme au ciel.
Il sera couronné par les hommes d’une couronne d’épines puis tragiquement cloué sur une croix. Mais en ressuscitant le 3ème jour, il accomplit parfaitement l’appel de l’auteur du livre Juges. Il est désormais assis à la droite du Père, et peut donc conduire son peuple. Il le fait, non pas comme un roi gouverne sur une nation, mais en régnant sur le cœur de chacun de ses sujets.

Comment pouvons-nous entrer dans ce règne ?  Arrêtons de croire que notre bonheur passe par faire ce qui nous semble bon, mais ayons foi que nous serons heureux en faisant ce que lui déclare être bon pour nous !
Que cette période de Noël qui s’ouvre maintenant nous aide à laisser le roi des rois établir son règne sur notre vie !

 
Le grand problème de nos cœurs

Au chapitre 19, c’est donc la deuxième conclusion du livre qui commence. Si la première conclusion avait de quoi faire sourire à cause de la naïveté des acteurs principaux, la seconde ne fait plus rire du tout. Elle nous rapporte l’itinéraire contrasté d’un second lévite, qui va chercher sa femme chez son beau-père, après que celle-ci l’ait quitté. Sur le voyage du retour, le lévite fait escale à Guibéa pour passer la nuit. Là, il se trouve pris à partie par une bande de vauriens. Il finit par les laisser violenter sa femme et la retrouve morte le lendemain. Le lévite fait ensuite appel avec un cynisme glaçant à la responsabilité de tout Israël devant un crime aussi horrible !

Les tribus d’Israël se mobilisent et demandent à Guibéa de livrer les coupables. Devant le refus de ceux-ci, une expédition punitive s’organise contre cette ville de Benjamin. Étonnamment dans un premier temps, ce sont les hommes de Benjamin qui prennent l’avantage. Mais après des dizaines de milliers de morts dans ses rangs, les hommes d’Israël finiront par venir à bout de ceux de Benjamin. L’expédition punitive s’étendra finalement contre toute la tribu de Benjamin, ne leur laissant que 400 rescapés.
En quoi un tel drame, peut-il être utile pour notre foi ? Au-delà du sentiment de dégoût suscité par ce texte, voici quelques remarques qui j’espère nous aiderons dans notre marche avec Dieu.

Si ce récit est détestable, c’est à dessein. Un des buts de l’auteur, c’est de montrer l’échec du peuple d’Israël à refléter Dieu auprès des autres nations. Jephté s’est comporté comme un leader païen en sacrifiant sa fille. À l’époque de Samson, on s’accommodait de la domination des Philistins. Mais la situation est bien pire que cela, et ce dès l’entrée en Canaan (la mention de Phinéas indique que cet épisode a eu lieu au début de la période des juges).
Le récit de la nuit à Guibéa ne vous a-t-il rien rappelé ? Il ressemble de près à un drame similaire qui a eu lieu des centaines d’années auparavant, pas très loin de là… à Sodome. C’est dramatique. Le peuple d’Israël, loin de refléter la sainteté de l’Éternel, est en fait dès le départ plus proche des standards des habitants de Sodome, que Dieu avait détruits par le feu et le soufre à cause de la gravité de leurs péchés.

Il est aussi intéressant comparer les deux conclusions du livre. On se rend compte alors que nos 2 lévites ont un itinéraire géographique similaire, de Bethléem à Ephraïm. C’est certainement pour mettre en parallèle, ce qui a conduit à leur perte.
Le premier se montre avide de nouveaux gains. Le second fait preuve d’une indigence effarante. Il est faible quand il s’agit de prendre ses propres responsabilités, mais il ne fait preuve d’aucun ménagement quand il s’agit d’appeler aux jugements des coupables.
Nous avons là un autre but poursuivi par l’auteur du livre. Il veut souligner que l’échec de la période des juges trouve ses racines notamment dans la faillite des lévites. Ils devaient jouer un rôle central pour conduire le peuple à connaître Dieu et sa Loi. Ils ont échoué lamentablement dans leur propre vie, devenant alors des contre-modèles pour ceux qu’ils devaient guider !

Enfin, notons que dans le récit des Danites, c’est la première partie des 10 commandements qui est bafouée. Notre relation avec Dieu devient creuse, si nous laissons l’idolâtrie gagner nos cœurs.
Par contre dans le récit des Benjamites, c’est la deuxième partie des 10 commandements qui est transgressée. Les devoirs envers le prochain sont en effet violés à travers le refus de l’hospitalité et le crime horrible de la femme du lévite.

J’imagine que comme moi, vous avez trouvé la lecture du 2ème récit bien plus nauséabonde. Remarquons cependant que cela a aussi été le cas pour Israël !
Tandis que l’idolâtrie de Dan s’est passée dans une indifférence quasi complice, la mobilisation est générale devant l’émotion suscitée par l’horreur de Guibéa.
Ce réflexe est bien compréhensible, mais je crois qu’il révèle le grand problème de nos cœurs. Nous ne savons pas traiter le mal à la racine. Nous nous attristons bien plus des conséquences de nos péchés (qui touchent nos relations avec les autres), que de leurs causes (qui touchent notre relation avec Dieu).
Le chapitre 21 montrera l’aberration de vouloir régler nos problèmes humains, sans avoir identifié nos manquements avec Dieu. Sans une juste crainte de l’Éternel, nous n’arriverons pas à vivre dans ce monde déchu avec sagesse.

 
Le mensonge de la religiosité

Ces deux chapitres constituent la première des deux conclusions du livre des Juges.   

L’épisode lamentable qui nous est rapporté ici n’est pas la suite chronologique de l’histoire Samson. Il a en fait eu lieu très tôt dans le livre des Juges, et s’inscrit en quelque sorte dans la suite des échecs militaires rapportés au chapitre 1 (en particulier 1.34-36 pour la tribu de Dan).
D’après Josué 19.41-46, Dan aurait dû prendre possession de territoires situés entre Jérusalem et la méditerranée. Mais la résistance des Amoréens les repoussa dans les montagnes et ils furent comme privés de leur héritage (18.2). Renonçant aux terres promises par Dieu dans la plaine, ils se résignent à une émigration dans le nord du pays. Cet épilogue nous rapporte en quelque sorte la manière dont cela s’est passé en commençant la prise la ville Laïsh, qui sera rebaptisée en Dan (18.29).
 
Mais il est aussi question dans cet épisode d’un Lévite, Jonathan. Insatisfait de son sort, il se met à chercher un meilleur travail. À cause de leur rôle spécifique, les Lévites s’étaient vus attribuer un certain nombre de villes au moment du partage du pays. Ces villes se situaient au milieu même des autres tribus, car leur rôle était de préserver les ordonnances du culte de l’Éternel. Le fait que ce lévite ne cherche pas particulièrement à s’établir dans une de ces villes montre en quelque sorte qu’il est prêt à offrir ses services au plus offrant (17.8). Il finira par s’installer chez Mika, un homme d’Ephraïm, qui vient d’instaurer dans sa maison un nouveau lieu de culte idolâtre. Peu après, ce lévite se trouvera encore plus comblé, quand il se verra attribué une promotion : prêtre officiel de la tribu de Dan.

Ce qui est particulièrement troublant dans ce passage, c’est la manière dont chacun se laisse abuser par ses élans religieux. Tout sonne faux dans cet épisode. Tout d’abord, une mère se montre peu conséquente avec le vol de son fils, et propose d’honorer l’Éternel, en faisant ce qui est contraire aux 10 commandements (17.3). Ensuite Mika se réjouit des bénédictions futures qu’il recevra de l’Éternel, parce qu’il a embauché un lévite pour conduire un culte idolâtre dans sa propre maison. Puis, les Danites, rebelles à l’ordre de l’Éternel, demandent à un lévite, lui aussi en situation de désobéissance, de consulter l’Éternel pour eux ! (18.5) 1. C’est ainsi que cette tribu se retrouve finalement à éradiquer une ville que Dieu n’a pas désignée, parce qu’elle leur semble bien plus facile à prendre que le territoire que l’Éternel leur avait réservé (18.27) 2. Pour légitimer leur démarche, ils la font approuver par notre lévite peu scrupuleux, et institutionnalisent dès lors l’idolâtrie au sein de leur propre tribu. Dans ce récit, chacun s’abuse de vouloir suivre Dieu, mais en définitive c’est leur propre satisfaction qu’ils veulent servir.

Cette première conclusion souligne un des buts de l’auteur, qui a traversé tout le livre ! Elle sert à montrer comment une tribu, qui a désobéi à Dieu dans la conquête de son héritage (thèse du chapitre 1), s’est retrouvée à s’exiler dans le nord en s'enfonçant dans l’idolâtrie. Elle a ainsi sombré loin de la connaissance de l’Éternel.

Que retenir pour nous-mêmes ?
Nous pouvons nous abuser facilement sur notre spiritualité. C’est le terrible mensonge de la religiosité : conserver les formes de la piété, mais s’éloigner de la volonté de Dieu. Dans cette dérive, nous continuons d’aller à l’église, à lire notre Bible, à prier, mais nous cherchons en définitive un moyen de justifier, de conforter nos réflexions et nos choix. Nous nous abusons nous-mêmes en nous convainquant que nous nous mettons à l’écoute de Dieu, mais en fait nous lui imposons ce qu’Il ne dit pas.
Heureusement, le tableau n’est pas toujours aussi sombre que cela !
Soyons cependant conscients que nos insatisfactions sont un terreau fertile pour l’idolâtrie. Pensons à ces domaines de nos vies où nous avons sciemment baissé les bras. Est-ce que nos résignations sont un boulet qui nous empêche aujourd’hui d’avancer par la foi ?
Dans notre passage, nous découvrons à la fin que le fameux lévite instauré pour conduire l’idolâtrie dans la tribu de Dan, n’est autre que le petit-fils de Moïse (18.30, version semeur). Stupeur ! Cela nous rappelle que personne n’est à l’abri !  


[1] Les Danites désobéissent, car ils continuent d’explorer le pays, alors que l’Éternel a déjà défini les terres qu’ils devaient conquérir. Ils semblent même tout à fait conscients que le lévite est lui aussi en train de désobéir. Son accent les intrigue et leur indique qu’il n’aurait certainement pas dû se trouver là.
 
 
[2] Notons d’ailleurs que dans ses commentaires l’auteur du livre semble sous-entendre qu’il n’y avait aucune raison de s’emparer de cette ville. Peut-être que sa conquête ne correspondait pas à l’accomplissement du jugement de Dieu, alors que c’est en vue d’accomplir ce jugement que Dieu avait donné Canaan à Israël.  
 
Un Dieu qui œuvre pour nous tenir éveillé

Ce qui est frappant dans le cycle de Samson, c’est de voir combien la situation morale en Israël a encore évolué. Vous avez remarqué ? Cette fois-ci pas de cris d’Israël vers l’Éternel à cause de l’oppression, comme dans les récits passés. C’est tout juste d’ailleurs, si on s’aperçoit que les Philistins sont les ennemis d’Israël dans ce cycle. S’il n’y avait pas eu la mention habituelle que « Dieu livra Israël entre les mains des Philistins » (13.1), on ne se douterait pas vraiment du danger. Plusieurs détails montrent que les Israélites semblent en fait s’accommoder de la situation. Ainsi, Samson envisage assez naturellement le mariage avec des femmes philistines. Les habitants de Léhi en Juda (15.9-13) ne semblent pas du tout voir les exploits de Samson comme une occasion de se révolter. Au contraire, ils mobilisent une forte troupe pour arrêter le seul Israélite qui se confronte aux Philistins. En fait, Samson est à leurs yeux, plutôt un empêcheur de tourner en rond, qu’un potentiel libérateur. Et puis il y a cette mention, au moment de l’annonce de sa naissance : « Il ne fera (que) commencer à délivrer Israël des Philistins » (13.5), alors que tous les autres « chefs-juges » avaient pour mission d’apporter une délivrance totale à leur peuple.

A l’époque de Samson, il n’y a pas chez les Israélites un grand désir de changer la situation, de se révolter contre l’emprise des Philistins. D’ailleurs la domination semble plutôt économique et sociale (de type capitaliste), qu’une oppression martyrisante du peuple d’Israël. Alors il ne faut pas en conclure, une totale assimilation. Israël, dans son orgueil, continue de voir une différence entre son peuple et le peuple philistin. C’est tout le mépris que l’on retrouve à deux reprises dans ce qualificatif « d’incirconcis » (14.3, 15.18). Les Israélites considèrent les Philistins comme un peuple inférieur, même si ce sont les Philistins qui dominent sur eux. Mais en ce temps-là, pour un observateur extérieur, il n’y a sans doute plus une grande différence entre les Philistins et les Israélites. C’est la confusion la plus totale !
Ces remarques nous donnent des pistes pour comprendre le cycle de Samson. Désormais, le peuple de Dieu ne se rend même plus compte du danger de l’emprise d’un peuple étranger comme les Philistins. Samson n’intervient pas comme le héros attendu, mais il est celui qui va finir par rendre les israélites odieux aux yeux de l’occupant. C’est tout le sens de cette dernière scène, où Samson emporte dans sa mort plus de Philistins que de son vivant (16.30). Les Philistins rendront en effet les compatriotes de Samson responsables du massacre dans le temple du Dieu Dâgon. Ils deviendront alors bien plus belliqueux à leur égard, la guerre entre Israélite et Philistins étant ensuite une constante du récit biblique, et ce de l’époque d’Eli (le sacrificateur) à celle de David ! Comme l’auteur du livre des Juges l’a lui-même exprimé, Dieu a utilisé Samson, pour créer une occasion de conflit entre les Israélites et les Philistins (14.4). On comprend un peu mieux peut-être, pourquoi l’auteur de l’épître aux hébreux le range parmi les héros de la foi. Malgré ses faiblesses et ses fragilités, et même si ses motivations sont souvent coupables, Samson apparait comme l’archétype de l’envoyé Dieu, qui se retrouve seul à résister contre l’ennemi, en devant parfois affronter son propre peuple !

Que retenir du cycle de Samson ?
Comme aux temps de Samson, l’ennemi le plus terrible pour l’Église, c’est celui qui ne dit pas son nom !
Mais la situation est légèrement différente. L’Église est le nouveau peuple de Dieu. Elle n’est plus une nation qui doit se protéger des autres, mais un peuple appelé à rayonner parmi les nations.  
Une des grandes opportunités de notre génération, c’est que le décalage entre le monde qui nous entoure et l’Église est moins profond que dans un passé récent ! C’est un pont formidable pour rendre l’Évangile plus accessible.
Mais, soyons aussi conscients qu’il est toujours plus confortable de nous laisser porter par le courant ! C’est pourquoi nous courons le risque de nous laisser infiltrer par la pensée du monde et de voir notre foi se diluer.
 
Face à cela, Dieu ne reste pas inactif. Il agit comme nous le voyons dans le cycle de Samson par des expériences transcendantes (la naissance miraculeuse, la force surnaturelle…), et ce pour réveiller son peuple. Ne soyons pas étonnés que cela aboutisse tôt ou tard à une plus forte opposition de la part de ceux qui nous entourent.  
Face à la rationalisation de notre siècle, c’est d’ailleurs par une expérience renouvelée de la présence de notre Dieu que nous resterons attachés à l’adoration du Dieu véritable. Soyons attentifs au souffle de son Esprit. Soyons prompts à témoigner de son œuvre dans nos vies. C’est ainsi que nous résisterons aux sirènes de notre temps !

 
Un Dieu à l’œuvre à travers nos manquements

Samson est donc consacré à Dieu dès sa naissance. A plusieurs reprises, on le voit ainsi saisi par l’Esprit de Dieu. Mais pourtant, il passe son temps à fréquenter des femmes philistines. Il commence par se marier avec l’une d’entre elles (chapitre 14), malgré la désapprobation de ses parents (14.3). Ensuite c’est une aventure avec une prostituée qui le met en danger à Gaza (16.1). Et enfin, il entame une relation avec une maitresse, Dalila, qui le manipulera et le conduira à sa perte. On a un peu du mal à comprendre cette folle attirance pour la gente féminine philistine chez celui qui est censé apporter la délivrance face l’oppresseur ennemi.

Samson s’inscrit ainsi dans cette terrible déchéance des Juges. Cette décadence est d’ailleurs l’un des fils conducteurs qui a amené l’auteur du livre à nous présenter en particulier ces 6 leaders parmi 12. On avait commencé, rappelez-vous par Otniel, qui a fait office de « chef-juge » modèle. Il n’y avait pas non plus grand-chose à reprocher à Ehoud, si ce n’est une certaine roublardise (3.19). Ensuite nous avons observé un certain manque de courage chez Baraq, même si les conséquences étaient encore limitées. Les choses ont commencé à sérieusement se dégrader avec Gédéon, un juge qui a bien commencé, mais qui a particulièrement mal fini. L’auteur a d’ailleurs montré comment cela a à impacter directement la gouvernance dans la génération suivante, avec tout l’opportunisme malsain d’un Abimélek. Enfin, Jephté a fait preuve de qualités de leader certaines, mais  malheureusement uniquement avec des critères humains, ce qui se finira notamment par le sacrifice de sa fille. Mais avec Samson, on peut dire qu’on touche le fond. Un homme doué certes d’une force surhumaine, mais animé uniquement par un esprit de vengeance ou par le désir d’assouvir son appétit sensuel !

Pourtant tout au long du récit, l’intervention de l’Esprit est rappelée. Elle est mentionnée à 4 reprises (13.25 ; 14.6 ; 14.19 ; 15.14). C’est d’ailleurs le récit où elle est le plus soulignée. Il veut sans évoquer au lecteur que derrière ces situations rocambolesques, l’Eternel est à l’œuvre en coulisse. Attention, Samson est clairement fautif. Il est responsable de ses actes. Il fait preuve de faiblesses morales évidentes, qui le conduiront d’ailleurs à sa perte.
Mais ces manquements, ces faiblesses, n’empêchent pas l’Esprit de Dieu de se saisir de Samson et de l’amener à accomplir le plan de l’Eternel. Dieu avait demandé aux parents de Samson de le consacrer pour commencer l’œuvre de délivrance des Philistins. Il avait prévu d’octroyer une grande force à Samson dans ce but. Malheureusement, Samson avait des préoccupations uniquement centrées sur ses propres désirs. Mais Dieu est Dieu, et Il s’est servi de ces préoccupations pour commencer tout de même son œuvre de délivrance.
Samson était plus animé par un esprit de vengeance pour nourrir ses appétits que par le souci d’accomplir la volonté de Dieu ? Qu’à cela ne tienne, c’est par les occasions de disputes entre Samson et les Philistins (14.4), que Dieu conduira son plan. Que peut-on en conclure ?

Les compétences et les dons ne signifient pas forcément spiritualité. Nous confondons malheureusement souvent les deux. Samson en est un parfait exemple. Les dons spirituels n’empêchent pas la chute. Ils n’impliquent pas non plus que tout ce qu’on fait soit juste ; c’est aussi un mensonge qui se communique. Dieu n’a pas besoin de nous pour accomplir son œuvre, mais Il veut le faire à travers nous, pour nous transformer. C’est pourquoi, Dieu utilise ses serviteurs malgré leurs manquements. Mais il est grave c’est de ne pas voir ces manquements et de ne pas les travailler. La croix nous rappelle que notre responsabilité principale, c’est de laisser Dieu nous transformer.  
Dans quels domaines Dieu m’a-t-il utilisé dans ma marche avec Dieu ? Quelles lacunes ai-je repéré à cette occasion ? Est-ce que je suis bel et bien en train de laisser Dieu me sanctifier ?

Dieu nous a choisis !

Au chapitre 13, nous abordons le septième cycle du livre. Nous nous intéressons au douzième et dernier « chef-juge » Samson. C’est l’histoire à laquelle l’auteur du livre va consacrer le plus de détails (4 chapitres). Les aventures de Samson, tout à fait fantastique, en font certainement le « chef-juge », le plus connu, notamment parmi les enfants. Mais nous ne savons généralement pas quoi faire de ces histoires, car l’attitude du Samson nous déroute à plusieurs reprises. À bien des égards Samson va s’avérer le pire de tous les « chefs juges » que nous avons rencontrés dans ce livre. Ses erreurs sont tellement évidentes, qu’on pourrait se contenter de voir Samson uniquement comme un contre-modèle. Mais l’auteur de l’épître aux Hébreux nous amène pourtant à une certaine prudence avec cette manière d’aborder ce cycle (comme toutes les autres d’ailleurs). Il cite Samson aux côtés de Jephté, Gédéon et Baraq, comme faisant partie de ceux qui ont exercé leur foi envers Dieu. Il a donc été un outil entre les mains de Dieu pour accomplir sa volonté (Hébreux 11.32-33). Il va donc nous falloir contraster nos conclusions.

De ce chapitre 13, je vous propose de retenir essentiellement une chose. Dieu a choisi Samson. Nul ne peut lire l’histoire Samson, sans remarquer qu’il est l’objet d’interventions divines exceptionnelles, et ce dès avant même sa naissance. L’ange de l’Éternel apparaît 2 fois aux parents de Samson, pour préparer une conception miraculeuse et annoncer ce qui va se passer. Seules 3 fois, on observe le même phénomène dans l’Écriture : pour la naissance d’Isaac, de Jean-Baptiste, et de Jésus-Christ. Cela ne peut que nous interpeller. La mère de Samson était stérile et avait dépassé l’âge de l’enfantement. Là aussi, elle rejoint d’illustres figures de l’Écriture : Sara, Rébecca, Anne, Élisabeth. Dieu donne la mission à cette famille d’accueillir un enfant qu’Il a choisi, en devant respecter des règles bien particulières. Ces règles correspondent en partie au vœu de Naziréat (Nombre 6.1-21), même si elles prennent place dans un contexte singulier. Le vœu de Naziréat était en effet prévu pour formaliser l’engagement de celui qui voulait se consacrer à Dieu. Ici, il est imposé par Dieu aussi bien à celle qui consacre (la maman), qu’à celui qui est consacré (Samson).
 
L’appel de Samson contraste singulièrement avec celui de Jephté. La mise en scène est exceptionnelle. Elle allie différents buts. Tout d’abord, elle met en avant la manière dont Dieu renverse les limites humaines, ici c’est la stérilité. Mais, elle souligne aussi combien Dieu veut impliquer son peuple dans ce qu’il veut accomplir (il confie une mission à la famille de Manoah), jusqu’à lui forcer la main (le vœu de Naziréat), comme pour renforcer l’idée que son peuple n’est pas bien conscient du danger qui le menace.
 
Que retenir de cela ? Dieu est à l’œuvre. Il est à l’œuvre pour renverser le mal dans notre monde. Il est à l’œuvre pour le renverser dans notre vie. Il ne fera pas l’un au détriment de l’autre. Ces deux objectifs se rejoignent parfois. Mais, ils peuvent aussi s’opposer. Comme le peuple de Dieu aux temps de Juges, nous ne sommes en effet souvent pas suffisamment réalistes sur l’emprise du mal dans notre vie. C’est une des raisons pour lesquelles, les pensées de Dieu nous restent étrangères. Nous ne comprendrons pas tout de l’action de Dieu dans notre vie.
Face à ce double enjeu (le mal dans le monde, le mal dans notre vie), Dieu nous révèle clairement sa stratégie. Elle se développe tout au long de l’histoire humaine. Il veut nous associer à ce combat. C’est bien sûr Dieu qui remporte la victoire, et la croix en est la bataille décisive. Mais pour être au bénéfice de cette victoire, il nous faut entrer dans le combat et nous consacrer à son service. Dieu nous a choisis. Qu’est-il en train de me montrer actuellement ? Est-il en train de me forcer la main dans un domaine particulier ? Quelle est ma prochaine étape ?
Qui est le véritable héros ?

Intéressons-nous à la personnalité de Jephté. Il nous est d’entrée présenté comme un vaillant guerrier. Et on peut dire qu’il en a toutes les qualités ! Face au rejet des siens, il montre ses capacités à rebondir et se relance comme chef de bandes (10.3). Face à l’appel au secours des notables de Galaad, il ne reste pas sur ses blessures, mais il saisit l’opportunité, sans se montrer naïf (10.10-11). Il n’est pas non plus un va-t’en guerre. Face à la menace d’Ammon, il commence par la table des négociations et tente de les ramener à la raison. Puis face à l’échec de la diplomatie, il mène avec panache son peuple à la victoire (10.32).

Une question demeure cependant : celle de son appel ! Ce n’est pas l’Eternel qui vient chercher Jephté, mais les notables de Galaad. Cela ressemble plus à une désignation selon des critères humains, qu'à un appel venant directement de Dieu, comme ce fut le cas par exemple pour Gédéon ou même Baraq. Y'a-t-il eu erreur de casting avec Jephté ?

Reconnaissons tout d’abord que Dieu a bien des manières d’amener les hommes à le servir. La qualité du ministère ne dépend pas du caractère spectaculaire de l’appel ! D’ailleurs Jephté n’est pas un analphabète biblique. Il utilise l’Ecriture pour justifier le droit de Galaad à occuper les terrains réclamés par les Ammonites (11.15-27). Enfin comme pour d’autres juges, il est revêtu de l’Esprit de l’Eternel au moment de mener le peuple à la victoire (11.29). Tout semble donc indiquer que Jephté a bel et bien été choisi par Dieu pour mener à bien sa mission.

Par contre, la pédagogie de Dieu a évolué. Toutes les circonstances sont réunies cette fois-ci pour que le peuple d’Israël reste aveugle sur lui-même. Tout est en place pour qu’il croie que c’est par ses propres forces, à cause de ses bons « choix », qu’il a réussi à se débarrasser de la menace Ammonite ! Certes Dieu a répondu une nouvelle fois à l’appel de son peuple, en envoyant un libérateur. Mais son action se fait plus discrète. Alors que Dieu avait réduit l'armée de Gédéon, pour que la victoire lui soit clairement attribuée, Il laisse cette fois-ci l'initiative aux hommes. Sans doute est-ce une manière pour Dieu d'éprouver plus profondément la foi de son peuple. Israël va-t-il s’attribuer toute la gloire ? Ou reconnaîtra-t-il que tout cela ne peut être que l’œuvre de l’Eternel ?

La réponse est sans appel. Le réveil sera une fois encore de courte durée. Au cœur de l’échec, c’est l’inconséquence du peuple de Dieu qui est mise en évidence. Une certaine connaissance de l’Eternel cohabite avec une absence totale de connaissance. Jephté savait par cœur sa leçon d’école du dimanche sur l’histoire de son peuple. Cela ne l’empêchait pourtant pas d’adorer Dieu, comme on adore un dieu cananéen. C’est toute la leçon de ce vœu insensé (11.30) [1]. Jephté pense sans doute pouvoir gagner la faveur de Dieu dans son combat face aux Ammonites. Au final, il se retrouve piéger. Pour ne pas perdre la face, il en vient à sacrifier sa fille, sans que cela n'émeuve personne (11.36, 11.40). Le rejeté d’hier est devenu héros national. Dès lors, il a préféré préserver sa popularité et sa gloire, plutôt que de s'humilier devant l'Eternel.

C’est ainsi que le cycle de Jephté se finit dans le chaos absolu, avec un nouveau conflit entre tribus. Au lieu d’être reconnaissant à l’Eternel pour la paix restaurée, chacun veut s’arroger la gloire. Chacun cherche à occuper la première place en Israël.
Le constat est sans appel : aux temps de Jephté, Israël ressemble bien plus aux peuples cananéens superstitieux et belliqueux, qu’à un peuple rempli de la connaissance de Dieu !

Que retenir pour nous-mêmes ? Nous vivons dans un monde de vedettariat, où les aptitudes et les qualités humaines sont survalorisées. Le monde évangélique n’échappe pas à la règle. On espère souvent que de belles formules comme « à la gloire de Dieu » suffisent à vaincre notre égo. Mais une reconnaissance réelle de nos limites humaines et une acceptation de la pleine souveraineté de Dieu nécessitent un véritable changement de cœur ! Si comme Jephté, nous avons les aptitudes, mais que nous ne nous laissons pas Dieu nous transformer, nous reprendrons assez vite le chemin de notre propre gloire. Sachons garder l’étonnement que Dieu se serve de nous. Ne nous prenons pas trop au sérieux. C’est Dieu le véritable héros !
 

 
[1] Le sacrifice d’individus était formellement interdit par la Loi de Dieu (Lévitique 18.21 ; 20.2-5), alors qu’elle était généralisée dans les nations païennes. C’est un signe terrifiant de l’influence de l’idolâtrie sur le peuple de Dieu.
 
L’effet miroir

Un nouveau cycle démarre au chapitre 10, c’est celui de Jephté, même si son nom ne sera mentionné qu’au chapitre 11. Israël recommence à faire ce que l’Éternel considère comme mal. Et Galaad, qui regroupe à l’est du Jourdain les tribus de Ruben, de Gad, une partie de la tribu de Manassé, se retrouve pris en étau par les Philistins à l’ouest et les Ammonites à l’est. La situation spirituelle s’est encore dégradée. Non seulement le peuple désobéit, mais cette fois-ci il abandonne l’Éternel (10.6) ; c’est la première fois que l’on rencontre cela dans le livre des Juges. Jusqu’à maintenant, Dieu était concurrencé, cette fois-ci Il est évacué.
 
L’idolâtrie d’Israël est soulignée par la mention de 7 divinités étrangères : les Baals, les Astartés, les dieux de Syrie, les dieux de Sidon, les dieux de Moab, les dieux des Ammonites et les dieux des Philistins (10.6). Quand l’auteur biblique utilise le chiffre 7, il a généralement un but. C’est une manière d’attirer l’attention du lecteur sur ce qui est parfait ou ce qui est total. Dans notre cas, c’est pour monter que l’idolâtrie a atteint une sorte de paroxysme.
A cette idolâtrie abyssale, Dieu oppose sa détermination. A 7 reprises là aussi, Dieu est intervenu pour libérer son peuple de ses oppresseurs (10.11-12). Ce jeu de miroir a pour but de montrer la patience et la persévérance de Dieu, alors même qu’Il ne reçoit que mépris et ingratitude en retour ! Un nouveau cap est cependant franchi ici. La situation est telle, qu’il ne semble plus y avoir aucun retour en arrière possible pour Israël (10.13). Son peuple est allé trop loin et Dieu l’invite à être conséquent : « si vous adorez les divinités étrangères quand tout va bien, alors adressez-vous aussi à elles quand rien ne va plus ! » (10.14).
 
Mais Dieu n’en a pas pourtant pas encore fini avec la patience. Dieu est comme un Père, particulièrement doux, prêt à saisir chaque signe de repentance de son peuple, pour lui redonner une chance. C’est ce qui se passe au moment où les israélites se décident à faire disparaitre les idoles du milieu d’eux ! (10.16) C’est dans ce contexte que parait Jephté. La destinée de Jephté est très intéressante. Fils d’un homme nommé Galaad et d’une prostituée, il est chassé de chez lui. Il se rend à Tob et réunit autour de lui une bande de mercenaires, ce qui lui permet de se faire connaître sous ses qualités de leader. C’est à ce moment que Jephté est choisi comme Juge. Devant la pression des Ammonites, les notables de Galaad sont amenés à s’humilier, en allant chercher celui qu’ils ont rejeté (11.1-6).
Il y a comme une certaine ironie, un certain parallèle entre la manière dont Israël a traité Jephté et dont il a traité Dieu. Dans sa spiritualité, Israël a rejeté l’Éternel, mais dans son désespoir il finit par s’humilier et faire appel à lui. De la même manière, pour sa survie politique, il se montre sans scrupule au moment de chasser Jephté, le bâtard. Mais, acculé par l’ennemi, il est finalement prêt à faire appel à lui, sans trop se soucier de son honneur. L’effet miroir n’est pas pour idéaliser Jephté, la suite le montrera clairement. Il est utilisé pour mettre en lumière les inconséquences du peuple, et le confronter à son péché !
 
Dieu utilise ce même effet miroir dans nos propres vies (Jacques 1.23-24). Il patiente avec nos chutes répétées. Il agit dans nos circonstances pour que nous reconnaissions nos manquements. Il désire que nous pliions le genou et que nous reconnaissions à quel point nous sommes dépendants de Lui. Allons-nous reconnaître ce péché ? Allons-nous le faire, même quand nous bénéficions de certaines circonstances atténuantes ? Sommes-nous capables d’assumer nos manquements, même quand dans la même situation, nous sommes victimes d’une injustice ? Acceptons-nous les bienfaits de la discipline, même quand celle-ci n’est pas suffisamment douce à notre goût (et elle l’est rarement) ?  
C’est justement le rôle de l’Église que de nous offrir un cadre sécurisé et bienveillant pour accepter de reconnaître nos torts et pour nous engager à changer. C’est en veillant ensemble à construire ce cadre, que comme un miroir nous reflèterons la miséricorde et la justice de Dieu !  
Se pavaner ou porter du fruit ?

Nous avons laissé Gédéon, au chapitre 8, en train de refuser la royauté avec une certaine ambiguïté. Sans doute qu’une certaine crainte de Dieu, associée à une réticence naturelle (cf. Juges 6) l’en ont dissuadé. Cela ne l’empêche pas d’entrainer tout Israël dans l’idolâtrie. Abimélek, son fils, ne s’embarrasse pas de tant de scrupules. Il manigance pour se faire proclamer roi de Sichem et de toute sa région. Comme souvent dans le livre des Juges, une graine semée dans une génération devient une bombe dans la suivante ! C’est une grande leçon. Ce qui nous empêche de succomber à certains péchés n’est pas toujours lié à notre spiritualité, mais aussi à certains de nos traits de caractère. Peut-être que je ne suis jamais passé à l’acte, à cause d’une certaine lâcheté. Transmettre nos trucs et astuces pour éviter les pièges ne sera donc pas suffisant. C’est la connaissance profonde de Dieu et de sa Parole, qu’il nous faut transmettre pour amener la génération suivante à répondre à ses propres défis !

Le chapitre 9 apparait dès lors comme une parenthèse dans le livre des Juges. Après la période de paix apportée par l’intervention de Gédéon, les israélites se détournent à nouveau de Dieu (8.33). Mais cette fois-ci, il n’est pas question d’oppression par un peuple ennemi. Il n’est pas question non plus de libérateurs suscités par Dieu. Il est question de luttes intestines pour le pouvoir, menées par des ambitieux sans scrupules, que ce soit l’héritier Abimélek ou le prétendant Gaal.

La parabole de Yotam exprime assez bien le nœud du problème (9.7-15). Elle raconte l’histoire de 3 arbres fruitiers, qui préfèrent produire du fruit plutôt que d’ambitionner le pouvoir. Chaque arbre sait ce qu’il doit faire et ne veut pas outrepasser son rôle. Et finalement le pouvoir reviendra au buisson d’épines, parce qu’il ne contribue à rien. Mais comme il ne contribue rien, il devient alors une menace. Quelle leçon ! Ce n’est pas le principe du leadership qui est remis en question ici, mais l’enjeu derrière le leadership. Nous avions déjà vu apparaître ce problème chez Gédéon. Est-ce que le leader est en train de se mettre au service des autres, comme un bon arbre fruitier, ou est-ce qu’il est en train de se servir lui-même et devenir une menace, comme un buisson d’épines. On peut dire que malgré un règne relativement court, Abimélek rentre clairement dans la seconde catégorie.

Les conséquences de l’idolâtrie et de l’oubli de l’Éternel se font donc de plus en plus désastreuses. L’auteur du livre des Juges veut montrer qu’elles rendent le peuple de Dieu fragile non seulement vis-à-vis de ses ennemis, mais aussi dans sa manière de gérer ses propres affaires ! La délivrance apportée par Gédéon devait permettre un retour à la souveraineté de Dieu. La parenthèse Abimélec est symptomatique de l’incapacité humaine à suivre cette voie. Les habitants de Sichem ont préféré placer leur sécurité dans un système humain. Ils ont cherché à résoudre un problème de gouvernance réel, en faisant d’Abimélek leur roi. Mais aucun système politique quel qu’il soit ne peut pas apporter de réponses solides, sans un cœur renouvelé aussi bien chez les gouvernants que chez les gouvernés.

Que retenir de cet épisode détestable ?
Nous vivons une période qui plus que jamais met à mal nos institutions. Nous cherchons des raisons à la crise que nous vivons, et nos dirigeants semblent les cibles toutes trouvées.
Soyons vigilants sur notre propre croyance ! Certes, tout système humain est perverti par le péché. Mais croire qu’il suffit de changer de système pour régler nos problèmes, c’est ressembler aux habitants de Sichem. Que ce soit par Abimélek ou Gaal, nous serons toujours déçus. Un peuple en mauvaise santé aura toujours tendance à mettre un mauvais maître sur le trône ! Est-ce que la situation est sans espoir ?
De ce côté-ci de la croix, nous avons le privilège de pouvoir lire l’histoire de notre à travers le filtre de l’Évangile. Ce n’est pas en se pavanant, en spéculant, en se croyant maître de son destin que l’humanité trouvera la paix et la sécurité. Mais à la manière de l’olivier, du figuier ou de la vigne, elle est appelée à porter le fruit pour lequel elle a été créée. Annoncer l’Évangile à un monde qui se perd, voilà clairement le fruit que l’Église est appelée à porter! Que ce soit en tant de crise, ou en période de repos, c’est en gardant les yeux fixés sur cette mission, que nous transmettrons une profonde connaissance de l’Éternel, notamment à la prochaine génération. C’est à cette seule condition que la spirale infernale, décrite dans le livre de Juges, aura une chance de s’arrêter !

Gédéon un homme qui a bien commencé, mais qui a mal fini

Dans toute la première partie du récit, on voit comment Gédéon, le timoré, a appris la dépendance de Dieu pour accomplir une mission qui le dépassait totalement. Mais une fois l’ennemi mis en déroute, les réactions et les décisions de Gédéon vont s’avérer bien plus discutables. On ne connait bien le caractère de quelqu’un et ses motivations qu’au moment où on lui donne le pouvoir.

Il y a d’abord le cas des Ephraïmites. Ceux-ci lui reprochent d’avoir attaqué Madian sans les impliquer. Ils sont certainement jaloux que la gloire revienne à un homme de la tribu frangine (Manassé), qui plus est censée être moins prestigieuse que la leur. Gédéon les calme en faisant preuve d’une grande diplomatie (8.3). Peut-on reprocher ces mots habiles de Gédéon ?
Ils ont certes évité un conflit inutile. Mais ils sont porteurs d’une ambiguïté que nous allons retrouver dans toute la suite. Est-ce que Gédéon penserait en fait que c’est par ses propres mérites qu’il a conduit Israël à la victoire. Est-ce que son appel n’avait pas pour but de rappeler à tout Israël, que c’était l’Éternel qui était le véritable meneur ? (7.2).
En ne confrontant pas l’orgueil des Ephraïmites pour ne pas s’attirer leur foudre, Gédéon a cédé une gloire qui n’était pas la sienne. À première vue, il a agi pour la paix. Mais en fait il a consolidé une vision toute humaine de la situation. C’est un danger qui nous guette plus que jamais, je crois, dans nos Églises aujourd’hui, lorsque par unique souci d’apaisement on n’ose pas confronter certaines situations délicates. Cette fuite en avant n’est jamais sans conséquence. Et ce n’est pas la suite du récit qui nous dira le contraire !

Après les revendications des Ephraïmites, c’est la déloyauté de Succoth et Penuel qu’il doit régler. Ces villages étaient situés de l’autre côté du Jourdain et donc en première ligne lors des invasions ennemies venant de l’est. Ils font preuve d’un certain opportunisme qui n’est pas sans nous rappeler de récentes élections : est-ce que le vainqueur d’aujourd’hui sera vraiment celui de demain ?
L’attitude de ces 2 villages provoque l’irritation de Gédéon, qui les châtiera sans ménagement à son retour. Bien sûr, ils étaient condamnables, et avec ce que nous venons de dire sur les dangers de la mollesse diplomatique, nous ne pouvons que reconnaitre la nécessité d’une sanction. Mais quelle disproportion ! Quelle réaction excessive et arbitraire chez Gédéon !
N’avait-il pas pourtant lui-même douté de la faveur de Dieu (6.13) ? N’était-il pas bien placé pour comprendre les réactions d’incrédulité ? Est-ce que c’est parce qu’il était plus facile de s’en prendre à Succoth et Penuel qu’aux Ephraïmites, qu’il a ainsi déversé sa colère ?
Les mêmes dangers nous guettent aujourd’hui encore : soit être incapables d’affronter un conflit, ou au contraire exercer une discipline excessive. La discipline dans la Bible n’est pas un but en soi. Elle ne cherche pas à accabler mais à redresser ! Elle devrait toujours viser le bien de l’autre à long terme.

Enfin il y a ce formidable récit sur le refus de la royauté. Quelle ambiguïté tout de même chez Gédéon ! Un beau discours « évangélique », mais quel manque de conséquence derrière : « Je ne dominerai pas sur vous, c’est l’Éternel qui dominera sur vous, par contre le butin du combat, ça je veux bien… » (8.23-24)
L’histoire récente en Israël venait de démontrer le besoin d’un leader solidement ancré dans la foi. L’oubli de l’Éternel était généralisé, le réveil entrevu lors de la révolte contre Madian était pleinement à consolider ! Et au lieu de poursuivre le rétablissement spirituel d’Israël, Gédéon va fuir ses responsabilités et sombrer tragiquement. Alors qu’il avait commencé par balayer l’idolâtrie de la maison de son père (6.25-27), son succès retentissant le fera retomber dans les mêmes travers. Il fabrique une statue qui est bientôt un piège pour lui, pour toute sa famille et pour tout Israël après lui (8.27). En fait, Gédéon a préféré se servir de son succès pour lui-même, plutôt que d’utiliser son succès pour servir Dieu. Son refus de la royauté se fait sous couvert d’humilité. Mais dans son cœur la situation semble toute autre : Gédéon voulait les privilèges du roi… sans les devoirs ! Ce qu’Israël avait besoin, c’est que le roi des rois règne à nouveau sur lui. Gédéon aurait pu permettre cela. Il a bien commencé, mais il a mal fini…

 
Le principe du petit nombre

Le principe du petit nombre, c’est quoi ? C’est ce principe que Dieu utilise pour faire, avec quelque chose de petit, quelque chose de grand ! À plusieurs reprises dans l’Ancien Testament, Dieu transcende une situation d’infériorité de son peuple, et lui fait connaître une victoire inespérée. C’est le cas par exemple dans l’histoire où Jonathan, avec son seul porteur d’armes, va créer une brèche décisive dans l’armée des Philistins (1 Samuel 14). C’est le cas aussi un peu plus tôt dans le livre, dans le cycle de Barak et Débora, où l’armée d’Israël en déficit technologique a vaincu un ennemi bien mieux équipé. Mais sans doute l’épisode le plus emblématique, c’est cette victoire que Dieu donne à son peuple dans notre texte du jour !

Après de longues tergiversations, Gédéon se retrouve donc à la tête d’une armée de 32'000 hommes pour aller combattre les Madianites. Mais l’Éternel ne veut pas seulement délivrer son peuple de l’oppresseur, Il veut aussi qu’Israël revienne de tout son cœur à lui (Juges 7.2). C’est pourquoi, Il va lui-même intimer l’ordre à Gédéon de réduire les effectifs de son armée. Première chose à souligner, Gédéon cette fois-ci n’affiche aucune hésitation. Il semble progresser dans sa marche avec Dieu, et discerner cette fois-ci ce qui se cache derrière cette demande.
 
Deuxième chose, ce sont les critères de tri de l’armée. Ils ont un côté surprenant. Mais ils ne sont sans doute pas arbitraires. Pour le premier, c’est assez évident : « Que celui qui a peur rentre chez lui ! » (7.3). En fait, la Loi elle-même prévoyait cette mesure de sagesse (Deutéronome 20.8).
Le second critère est plus énigmatique (7.5-7). Les efforts de certains commentateurs pour tenter de l’expliquer ne manquent cependant pas d’intérêt. Ils notent que la façon de boire donne une indication sur le caractère des soldats. Se mettre à genou avec la tête dans l’eau, implique de s’être désarmé. On ne peut pas accomplir un tel geste sans s’être défait de son casque, de son armure et de son bouclier. Ceux qui ont lapé l’eau en portant l’eau à la bouche ont sans doute agi ainsi, pour ne pas ôter leur équipement. C’est l’attitude d’hommes de combat, qui savent que dans une guerre toute approximation peut coûter très chère.
La notion de peur, et d’engagement au combat est donc au centre du tri de l’armée de Gédéon. Il vaut mieux un petit nombre, prêt à se battre, qu’un grand nombre vaincu par la peur. L’Éternel a certes voulu qu’il soit évident pour tous, qu’Il était l’auteur de cette victoire. Mais Il a aussi voulu le faire, par ceux dont le cœur était plus prêt à se battre. Si rien n’est impossible à Dieu, il n’en reste pas moins que nos dispositions intérieures sont décisives. Le principe du petit nombre n’échappe pas à la règle.

D’ailleurs, la notion de peur est vraiment une clé du récit. Dieu était venu chercher Gédéon au milieu de ses peurs, pour en faire le chef de son armée. Dieu a utilisé le critère de la peur pour réduire cette armée. Et Il a fait prendre conscience à Gédéon que la peur avait changé de camp (c’est le sens du rêve du soldat madianite en 7.13-14), afin de lui donner le courage de lancer l’offensive décisive. La notion de peur est au cœur même de ce principe du petit nombre : si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? (Romains 8.31)

Comment s’applique aujourd’hui le principe du petit nombre ? Nos initiatives, nos actions ont l’air souvent bien ridicules aux yeux du monde. Notre tendance serait de nous apitoyer : nous sommes si peu nombreux ! Saisissons la pédagogie de Dieu. Dieu veut nous assurer qu’Il est avec nous, Il veut nous mettre dans des situations souvent inconfortables, afin que nous apprenions à prendre des risques pour Lui. Ces risques ne sont pas des aventures inconsidérées, mais des initiatives où nous acceptons de sortir de notre zone de confort, pour apprendre à dépendre de lui ! Ainsi à la fin, nous pourrons dire avec sincérité que ce ne sont pas nos propres forces que nous y sommes arrivés, mais que c’est par la grâce de Dieu seul !
 
Gédéon, un homme qui a bien commencé

Israël vit une nouvelle période d’oppression, et cette fois-ci c’est Madian qui asservit les enfants d’Israël. La précarité de la situation ne se traduit pas tant cette fois-ci par la durée de l’emprise madianite que par la terreur opérée par les armées d’occupation. La stratégie des Madianites est terrible. Ils dévastent tout. Ils dominent sur le pays en s’attaquant à ses ressources. Ils ne s’encombrent pas avec de l’administration. Ils réduisent le peuple dominé à l’extrême pauvreté. Résultat, tout le monde est démoralisé, découragé, incapable de se soulever.

C’est dans ce contexte que l’ange de l’Éternel vient chercher Gédéon sous le chêne d’Ophra. L’entrée en matière « L’Éternel est avec toi, vaillant héros ! » (6.12) a de quoi faire sourire un peu.
D’une part, parce qu’elle provoque chez Gédéon tout un tas d’objections sur le fait que « l’Éternel est avec son peuple » (6.13). Questions auxquelles l’auteur du livre vient pourtant de répondre. Un prophète vient juste de rappeler que cette situation est la conséquence de la désobéissance d’Israël (6.7-10). Au cas où l’on aurait eu un doute, Gédéon ne fait pas exception en Israël ! Sa connaissance de l’Éternel est bien pauvre et sa vie spirituelle au point mort.
Autre élément ironique, c’est l’attitude de Gédéon. Rien ne montre en lui les qualités d’un vaillant guerrier. Gédéon a à peu près peur de tout : peur des madianites (6.11), peur de l’ange de l’Éternel (6.22), peur de la réaction des gens de son clan (6.27), peur de devenir le chef et d’échouer (6.36-40). Allons-nous à avoir à faire un bis-répétita sur le manque de courage comme dans le cycle de Débora et Barak ?

Pas exactement ! Il est probable que Gédéon ne débordait pas de plus courage que Barak à son époque. Mais nous allons voir que ce ne sont pas les mêmes leçons que l’auteur veut en tirer. Dans un premier temps, l’accent est ici sur le soin et la patience de Dieu envers son serviteur. Ce n’est pas par une intervention extérieure que Dieu va pallier cette fois-ci aux manquements de son libérateur, mais par un changement intérieur. Dieu se plie en 4, pour répondre aux peurs (parfois légitimes !) et aux doutes de Gédéon. Et on peut dire que dans toute sa préparation, Gédéon ne s’en tire pas si mal ! L’épisode de la toison (6.36-7.1) en est un bel exemple : les hésitations sont nombreuses, mais l’essentiel est là. En réponse aux manifestations divines dont il est le témoin, Gédéon finit par se retrouver à faire ce que Dieu voulait lui confier.

Que retenir de l’appel de Gédéon pour notre foi ?
Tout d’abord que les signes font partie de notre relation avec Dieu. C’est une des manières dont Dieu s’y prend pour vaincre… notre incrédulité. Comme pour Gédéon, il arrive même assez souvent, au biberon de la foi, que Dieu dans sa grâce accorde des signes tangibles pour nous assurer de sa faveur. Cependant, rappelons aussi que nous, croyants de la nouvelle alliance, sommes déjà au bénéfice du signe par excellence : le don de JC pour le pardon de nos péchés (Matthieu 12.39-40). C’est pourquoi, nous ne sommes pas appelés à les rechercher en permanence, derrière chaque circonstance. Gardons surtout en tête que s’ils font partie de la pédagogie de Dieu, ce n’est pas pour nous entretenir dans une euphorie spirituelle, mais pour nous amener à une plus grande obéissance.

Deuxième chose que nous pouvons garder de ce chapitre, c’est la stratégie de l’ennemi. Comme les Madianites avec Israël, l’ennemi de nos âmes cherche à nous priver de notre nourriture spirituelle. De quoi notre ennemi a-t-il le plus peur ? Pas de nos finances, pas de nos bâtiments d’église, pas de nos stratégies, mais que nous redécouvrions la Parole de Dieu. Ce dont l’ennemi a le plus peur c’est que nous revenions à l’essentiel que nous donnions foi à la puissance de la Parole de Dieu. C’est sans doute là que se situe le combat le plus important de notre vie. Finissons-en avec la médiocrité spirituelle, recherchons une foi vivante et débordante !

C’est ce que Gédéon a redécouvert dans la première partie de sa vie. Les signes que Dieu lui a accordés l’ont amené à prendre ses responsabilités. Face à l’emprise ennemie, il est passé de l’apathie au combat ! La question qui se pose à nous : en ferons-nous autant avec ce que Dieu nous a accordé dans notre propre vie ?
 
Quand le courage vient à manquer (2/2)

Nous continuons aujourd’hui nos réflexions entamées hier sur le cycle Débora – Baraq, qui se conclut au chapitre 5, par un cantique de Débora, célébrant la victoire d’Israël. Ce cantique, tel un psaume, permet de glorifier l’Éternel (5.9, 11), qui a libéré son peuple après 20 ans d’oppression cananéenne. Il a pour but bien sûr de renouveler la confiance du peuple envers son Dieu. Mais dans le même temps, il précise certains détails qui prolongent nos réflexions sur le manque de courage.

Un des fils conducteurs du livre des Juges, c’est donc l’érosion progressive du leadership en Israël, et nous avons vu hier les hésitations de Baraq au moment de répondre à l’appel de Dieu. Soyons honnêtes, cette tergiversation ne semble pas avoir eu de conséquences au final. Baraq a finalement conduit l’armée vers la victoire. La situation du pays s’est rétablie et a abouti à un temps de paix significatif pour toute une génération (5.31). On pourrait se dire que finalement Barak s’est bien rattrapé et que tout est bien qui finit bien !
C’est là où le cantique de Débora lève le voile sur une crise bien plus profonde. Une partie des tribus d’Israël n’a pas pris à part à la révolte contre les Cananéens. Ruben loin du théâtre prend de grandes résolutions, mais ne fait rien (5.16). Gad est resté de l’autre côté du Jourdain. Dan et Aser ne semblent pas se sentir concernés (5.17). Le texte est tout à fait ironique par rapport à l’attitude d’Israël, un peuple sans motivation commune, qui est donc en partie gangréné par ce manque de courage ! Pourquoi une telle apathie ?

Une raison pourrait expliquer ce manque d’allant. Israël connaît en effet un déficit technologique vis-à-vis de ses ennemis : « ils sont quarante mille soldats en Israël, mais pas un bouclier pas une seule lance (5.8) ». On voit, d’ailleurs, à plusieurs reprises dans le livre des Juges, le peuple d’Israël faire avec les moyens du bord. Shamgar s’était par exemple emparé d’un outil agricole pour mener la révolte contre les Philistins (3.31). Le texte précise, tout de même, qu’Israël possédait des épées (4.15), mais cela reste bien maigre face l’armée de Sisera, et ses neuf cents chars bardés de fer (9.3). Comment la bataille a-t-elle pu tourner en faveur d’Israël ?
Le torrent de Qishôn (4.13) a joué un rôle prépondérant. Même si le texte ne le précise pas explicitement, il semble bien que Dieu soit intervenu de manière miraculeuse, en faisant déborder ce torrent (5.20-21). Les chars cananéens ont dû ainsi s’embourber. L’avantage technologique s’est transformé en désavantage, ce qui explique que Baraq ait lancé l’assaut et que Sisera ait dû s'enfui en courant (4.14-15).

Ce n’est pas la première fois, où le déficit technologique est souligné dans le livre des Juges. Dès la génération de Josué, la tribu de Juda avait reculé dans la prise de possession de son territoire à cause de l’avance technologique de ses adversaires (1.19). Notons cependant que Dieu, par Josué, avait préparé son peuple à ces combats déséquilibrés, en leur promettant d’agir en leur faveur (Josué 17.18). Il y aurait certes des combats rudes, mais les chars de fer ne devaient pas poser de problèmes dans la durée. Et nous voyons là une autre grande leçon du livre des Juges apparaître. Même désavantagé technologiquement, même en sous-nombre (ce sera le cas dans le cycle suivant), le peuple de Dieu est en mesure d’accomplir sa mission, parce que c’est l’Éternel qui le conduit. Voilà l’antidote divin, face à nos manques de courage bien compréhensibles !

Que retenir de tout cela ? Un des grands combats de l’Église n’est pas extérieur, mais intérieur. Nous luttons avec la croyance que la technologie, l’innovation, la stratégie sont nos meilleures armes pour accomplir notre mission. Malgré la nouvelle naissance, nous restons profondément confiants en nous-mêmes, et nous espérons jusqu’au bout pouvoir nous en sortir tout seuls.
Est-ce que la solution consiste alors à repousser toute innovation ? La connaissance est bonne mais elle conduit bien souvent à l’autosuffisance !  Elle devient alors une idole, qui comme aux temps des Juges, nous fascine et nous entraine loin de la connaissance de l’Éternel. Un des combats les plus âpres que nous avons à mener en tant que chrétiens, se situe au niveau de la pensée. Nous devons veiller à ce que nos pensées soient imprégnées de la dépendance de Dieu. Et si nous utilisions la technologie pour compter un peu moins sur nous-mêmes et un peu plus sur Dieu ! C’est le but de la chapelle de prière mise en place actuellement sur Zoom. Nous espérons, par cet outil, entrer dans le combat dans la prière, et laisser ainsi Dieu nous fortifer dans nos fréquents manques de courage, qui sont peut-être encore accentués par cette période de confinement.

Quand le courage vient à manquer (1/2)

Un nouveau cycle, marqué par les 4 étapes décrites hier, commence donc ici. Mais alors que jusque-là, l’auteur du livre avait livré un récit plutôt succinct, il va ici consacrer 2 chapitres à préciser les coulisses de ce nouveau cycle de décadence-délivrance pour le peuple d’Israël. Quels sont les détails à repérer ?

Cette fois-ci l’ennemi n’est plus extérieur aux pays promis, comme au temps d’Otniel et d’Ehud (Mésopotamie et Moab), mais intérieur (Canaan). Hatsor fait partie des villes que Josué avait brulées pendant la phase initiale de la conquête (Josué 11.10), et Yabin est à la tête d’une coalition cananéenne, qui fait régner la terreur en Israël (4.3).
Il semble bien que les vaincus d’hier (les Cananéens) aient inversé la situation. Ce ne sont plus les israélites qui imposent des corvées aux populations autochtones (cf. Juges 1). Israël est désormais soumis au joug de leurs anciens esclaves. C’est un terrible retour en arrière, comparable aux temps de l’esclavage en Egypte. La durée de l’oppression est quant à elle passée de 12 à 20 ans (4.3). Enfin, l’Éternel suscite cette fois-là encore un libérateur, Baraq, mais contrairement à Otniel et Ehud, celui-ci ne semble pas faire preuve du même courage. Son rôle sera finalement passé au second plan, dans l’ombre de deux femmes qui deviendront les héroïnes de l’histoire (4.9)
L’auteur du livre des Juges continue ainsi de montrer l’endurcissement d’Israël, et ses conséquences toujours plus tragiques aux furs et à mesure qu’il se transmet aux générations suivantes.

Ce qui interpelle particulièrement dans ce chapitre, c’est le rôle joué par Débora. Une femme au premier plan, c’est suffisamment rare dans une société patriarcale, pour qu’on ne le passe pas sous silence ! Sans rentrer dans un débat exhaustif sur la place de la femme dans la Bible, soulignons ce que l’on peut dire et ce que l’on ne peut pas dire à partir d’un tel texte, en prenant en compte ce que nous avons déjà souligné de l’intention de l’auteur.

Débora nous est présentée comme prophétesse et comme juge en Israël. Notons qu’au moins deux autres prophétesses sont mentionnées dans l’Ancien Testament : Myriam, sœur de Moïse (Exode 15.20) et Houlda aux temps de Josias (2 Rois 22.14). Même si les cas sont peu nombreux, nous pouvons donc dire qu’en Israël plusieurs femmes ont joué le rôle de prophétesse dans l’Ancienne Alliance. Dès lors, il serait assez incongru de penser que ce ne soit plus le cas dans la nouvelle alliance. Reste à bien comprendre le rôle de prophète dans le Nouveau Testament. Ceux qui suivent les rencontres Bouge Ta Bible sur I Corinthiens auront certainement l’occasion de l’approfondir, dans les prochains mois.

Plus inhabituel, c'est le rôle de Juge qui est attribué à Débora ! C’est un cas assez unique. Le cadre de cette responsabilité est précisé au verset 5 : régler les litiges entre les israélites. Comme le soulignent les notes de la Bible du Semeur, l’activité prophétique et judiciaire sont finalement assez symétriques. A l’époque des Juges, c’est l’application de la Loi de Dieu qui devait faire office d’autorité ! Un des rôles des prophètes, c’était d’exhorter le peuple de Dieu à revenir aux termes de l’alliance, afin de vivre selon la justice de Dieu. On peut donc relier le rôle judiciaire de Débora à son activité de prophétesse.

Ce qui nous conduit à une dernière remarque. Contrairement aux autres juges du livre, Débora n’était pas appelée à jouer le rôle de Juge au sens de leader militaire. Sa mission, c’est justement d’inciter Baraq à le faire (4.6). Et c’est à cause du manque de courage de Baraq, qu’elle va se retrouver en première ligne (4.9 ; 4.14 ). Mais ce que l’auteur veut souligner, c’est justement la faillite masculine. Il faudra que deux femmes, Débora et Yaël, s’engagent pour compenser ces manquements (4.9). Pour l’auteur cette situation n’est pas à prendre comme normative, mais au contraire, comme un signe supplémentaire de la faillite d’Israël à refléter le peuple de Dieu en terre promise ! En ce temps-là en Israël, contrairement à l’époque d’Otniel et d’Ehud, il ne se trouvait aucun homme qui avait suffisamment confiance en l’Éternel pour mener la révolte contre l’ennemi. Et ce sont les femmes qui ont fini par devoir faire "le sale" boulot (je pense là à la description de la mise à mort de Sisera, particulièrement glaçante).

Que retenir de tout cela ? Pas un enseignement sur le ministère pastoral féminin (que l’on soit pour ou contre d’ailleurs). Mais plutôt que rien n’est impossible à Dieu. Même quand la situation est insoluble, Dieu n’est pas limité. Il accomplit son plan en faveur de son peuple coûte que coûte. Cette fois-ci, c’est le manque de courage des leaders qui est surmonté. Voilà qui devrait nous inciter à tout miser sur Lui.

L’engrenage infernal

Une des choses les plus marquantes du livre des Juges, c’est la tragique répétition du même cycle.

« Les Israélites firent ce que l’Éternel considère comme mal… » (3.7)
La génération de Josué avait laissé subsister le paganisme au milieu d’elle. Le culte du Dieu véritable a fait place au syncrétisme religieux. C’est quoi le syncrétisme religieux ? Il consiste à prendre ce qui nous intéresse de la croyance de chacun et à en faire sa propre mixture ! L’homme moderne n’a rien inventé. C’est ainsi que les Israélites se sont mis à servir les Baals et les différents dieux des Cananéens (3.7), tout en gardant une certaine croyance en l’Éternel (sinon ils ne l’invoqueraient pas au moment où ils commencent à sérieusement désespérer).

« L’Éternel se mit en colère contre Israël et les livra aux mains de … » (3.8)
A chaque fois Dieu livre donc son peuple entre les mains de ses ennemis. Une appréciation un peu rapide d’un tel verset pourrait nous donner l’impression d’un Dieu impulsif, dénué d’amour. Il n’en est rien.
D’un côté, l’idolâtrie est un piège puissant pour ceux qui ont décidé de suivre Dieu. Bien souvent, nous ne la repérons pas immédiatement ! Car elle ne consiste pas à faire le mal directement, mais à vouloir jouir de nos désirs, sans prendre en compte Dieu et sa Parole. Ainsi subrepticement, nous succombons à l’emprise de nos appétits. C’est alors que nous nous retrouvons à faire le jeu de l’adversaire sans nous en rendre compte.  
D’un autre côté, l’idée d’un Dieu qui livre et qui sanctionne n’est pas contraire à un Dieu d’amour. Dans sa pédagogie, l’Éternel livre son peuple en esclavage, afin qu’il apprenne à dépendre de Lui (3.4). La sanction n’est pas un but en soi ! Elle est dans un but d’amour, afin que son peuple revienne de ses mauvaises voies. Sanctionner par amour est d’ailleurs sans doute le geste d’amour qui nous coûte le plus, bien des parents pourraient témoigner de cette amère expérience.

« Les Israélites crièrent à l'Éternel... » (3.9)
Oui, mais après combien d’années ! (3.12).
Nous avons besoin de veiller les uns sur les autres, pour empêcher que le péché ait une emprise dans nos vies. Plus on s’éloigne de Dieu, plus il est difficile de revenir à la foi ensuite. L’endurcissement s’accentue alors : c’est toute l’histoire des Juges !  D’ailleurs cet engrenage infernal n’est pas une simple répétition des mêmes constats ; la situation va en s’empirant tout au long du livre !

« L'Éternel suscita aux Israélites un libérateur... » (3.9)
Malgré son caractère très sombre, le livre des Juges est un livre de salut. L’Éternel ne cesse de manifester sa grâce et sa patience envers son peuple pour qu’il apprenne à lui faire confiance. Pour cela, Il suscite douze « juges » (nous en avons déjà 3 dans notre passage), qu’Il revêt de son Esprit pour accomplir sa mission de délivrance (3.10). Et si rien de négatif n’est exprimé au sujet des juges de notre chapitre (Otniel, Ehud, Shamgar), plusieurs se montreront par la suite moralement défaillants ! Dieu accomplira pourtant le salut de son peuple, malgré les faiblesses de ceux qu’Il appelle.

Est-ce que ces cycles infernaux sont ceux d’un autre temps, et que contrairement à nous le peuple d’Israël s’est montré particulièrement incrédule ? Le livre des Juges nous appelle à une certaine humilité quant à notre état spirituel. Nous ne sommes pas plus à l’abri que ceux qui nous ont précédés (on peut penser à toutes les situations de péché dénoncées dans les lettres du Nouveau Testament).  Et dans l’Église, et en nous-mêmes, il y a une faiblesse très importante ! Si quelque chose a changé depuis l’époque des juges et nous donne de l’espoir, ce n’est pas la fidélité des croyants, mais c’est l’accomplissement du salut !
En Jésus, nous n’attendons plus que Dieu vienne nous délivrer de ce qui nous opprime. Nous avons l’assurance qu’Il l’a déjà fait !

Le défi de la transmission

Avec ce chapitre, nous abordons en quelque sorte le deuxième prologue du livre des Juges. Au chapitre 1, l’origine des problèmes des israélites a commencé à se dessiner. Au chapitre 2, c’est on ne peut plus clair : après la génération de Josué, s’est levée une génération qui ne connaît pas l’Éternel (2.10). Doit-on comprendre que la génération de Josué a oublié de parler de l’Éternel à la génération suivante ? Je ne pense pas ! Il me semble que ce chapitre suggère une autre piste pour comprendre cet échec.

Tout d’abord, c’est le poison du compromis qui s’est immiscé dans la génération de Josué. A leur entrée en Canaan, les tribus n’ont pas pris possession de leur héritage comme l’Éternel le leur avait demandé (2.2). Mais, les conséquences de cette désobéissance n’ont pas été immédiates.  Le compromis a eu lieu dans la première génération, l’absence de connaissance de l’Éternel dans la deuxième. Pourquoi cet engrenage ? Parce que le compromis dénature la foi. Il cite la Parole de Dieu, continue de suivre les rites, mais l’attitude vient contredire la déclaration de foi. Aussi le compromis dans une génération conduit à la désillusion dans la génération suivante !
C’est tout l’échec de la génération de Josué. Elle n’a pas su démontrer la puissance transformatrice et radicale de l’œuvre de l’Éternel ! Certainement la 2ème génération connaissait par cœur ses leçons d’école du dimanche : le passage du Jourdain à sec (Josué 3), la prise de Jéricho (Josué 6). Après de tels miracles, pourrait-il en être autrement ? Mais cela n’a pas suffi à leur transmettre la connaissance de l’Éternel.  La transmission de connaissance n’est pas suffisante. On a besoin de voir concrètement ce qu’est la foi. La transmission de la foi ne doit se contenter d’énoncer la vérité, mais elle doit aussi la démontrer, comme pour dire c’est possible !

Mais, la deuxième génération ne peut pas non plus se cacher derrière les erreurs de ses aînés. Elle a sa part de responsabilité ! Au lieu de regarder son héritage (le pays promis) comme un cadeau, elle l’a vu comme dû ! Il semble bien que la génération de Josué a su déjouer les pièges de l’idolâtrie. Bien qu’elle ait pactisé avec les Cananéens, dans son ensemble, elle est restée fidèle à l’Éternel (2.7) ! Pourquoi a-t-elle su résister ? Parce qu’elle a eu à conquérir le pays promis. Elle a appris par le combat à faire confiance à l’Éternel. Elle en a aussi payé le prix !
Malheureusement ce n’est plus le cas de la génération suivante. Elle est née dans ce pays promis, où coulent le lait et le miel. Elle n’a pas eu à combattre. C’est la génération des droits acquis. En conséquence, elle n’a pas intégré la dimension du coût et de la persévérance dans sa marche avec Dieu. C’est pourquoi il se passe cette chose tout à fait étonnante : Dieu ne s’est pas pressé de déposséder les Cananéens, afin d’apprendre le combat à ces nouvelles générations (2.23).

Aujourd’hui encore, la transmission de la foi est un véritable défi ! Pour nous qui nous demandons comment transmettre la foi à la prochaine génération, ne nous culpabilisons pas à outrance face à nos échecs, chaque génération est responsable pour sa part de ce qu’elle fera avec ce qu’elle a reçu ! Les défis de la prochaine génération ne seront pas les mêmes que les nôtres, et nous aurons bien du mal à les anticiper.
Mais il y a quelque chose que toute génération est appelée à transmettre à la suivante : c’est que la foi implique persévérance et prix à payer ! Est-ce que par notre vie, nous montrons à ceux qui nous regardent que nous impliqués dans un combat (spirituel) ? C’est ainsi que nous les aiderons à ne pas regarder à nous, mais à ce que Dieu veut faire dans leur vie ! C’est ainsi que se lèvera une nouvelle génération qui connaît l’Éternel et qui s’attachera à suivre ses voies !
La vie chrétienne, conquête ou consolidation ?

Pour bien comprendre le livre des Juges, il est nécessaire d’en saisir sa structure générale. Cela nous aidera quand nous aborderons chacune des parties plus en détail.
On peut repérer la structure suivante :

  • 2  prologues (de 1.1 à 2.6 et 2.6 à 3.6)
  •  
  • Le récit de 12 juges : Otniel, Ehud, Shamgar, Barac (et Déborah), Gédéon, Tola, Yaïr, Jephté, Ibsan, Elon et Abdon et Samson. L’auteur s’intéressera plus particulièrement à 6 d’entre eux, ainsi qu’à l’un de leurs descendants (Abimélec)
  •  
  • 2  épilogues (chapitres 17 à 18 et chapitres 19 à 21)

Pourquoi s’intéresser à la structure ?  
Parce qu'elle nous permet de repérer l’intention de l’auteur. Les 2 épilogues répondent notamment aux 2 prologues. Nous comprenons alors que l’auteur ne suit pas une logique chronologique, mais thématique. D’ailleurs les 2 épilogues ne situent pas à la fin de la période des Juges, mais plutôt au début de cette période, au moment de l’entrée en Canaan (18 .20 ; 20.28).  L’auteur du livre ne se contente pas de nous rapporter des faits. Il a une intention théologique.

Comment résumer la théologie du livre des Juges ? Au point où nous en sommes, nous pouvons dire que le but de ce livre est d’analyser ce qui a conduit à l’échec d’Israël pendant cette période trouble. Alors que ce peuple devait refléter Dieu en obéissant à sa Loi dans le pays promis, il s’est retrouvé à ressembler toujours plus aux peuples cananéens qui l’avaient « précédé » sur ces terres et à leurs pratiques abominables. La situation empire tout au long de la période des Juges. Les leaders, notamment, deviennent de plus en plus moralement discutables. Mais, l’auteur repère pour nous que le ver était dans la pomme dès le départ. Les 2 épilogues dénoncent en effet que les israélites ont très tôt sombré dans l’idolâtrie, l’immoralité et l’anarchie, par leur propre négligence.

Alors que faut-il repérer dans ce premier chapitre, qui fait donc office de premier prologue au livre des Juges ? Qu’il ne faut pas lire trop rapidement nos Bibles !
Le livre de Josué, dont nous avons lu le dernier chapitre hier, présente l’invasion de Canaan comme rapide et triomphale. Elle l’a été ! L’Éternel mène son peuple en personne et le conduit à la victoire : c’est l’installation conquérante dans le pays promis. Mais une guerre, un combat, ce n’est pas uniquement une phase de conquête. Bien que l’ennemi soit vaincu, il n’est pas automatiquement mis hors d’état de combattre. Vient alors une phase de consolidation, celle qui doit faire face aux bastions de résistance. C’est celle que nous avons sous les yeux dans notre passage !

Et force et de constater que cette phase de consolidation ne s’est pas bien passée. Après les victoires plutôt encourageantes de la tribu de Juda (1.1-1.21), une à une, les douze tribus n’arrivent pas à se défaire totalement de leurs adversaires (1.27-1.36). Et nous voyons d’ores et déjà apparaître la cause qui annonce les grands problèmes futurs : le peuple juif s’est résigné à habiter avec les Cananéens (1.29, 1.30, 1.32, 1.33, 1.35), alors même qu’ils avaient l’avantage sur eux (ils leur imposent des corvées).

En somme, le facteur temps est entré en jeu. La conquête a été triomphaliste, pensons à la prise de Jéricho (Josué 3). La consolidation s’avère plus fastidieuse et laborieuse. Les israélites ont fini par se décourager. Face à la difficulté de chasser définitivement les Cananéens, ils ont accepté le compromis et les ont laissé vivre avec eux !

Nous pouvons extrapoler ce processus à notre vie chrétienne. Au début de notre marche avec Dieu, nous faisons souvent une expérience triomphaliste, comme si Dieu prenait tout en main et terrassait les ennemis de nos vies. Mais la consolidation est souvent plus difficile. Nous nous rendons compte que nous avons aussi des territoires où la victoire n’est pas complète. Plus nous progressons dans notre vie chrétienne, plus nous nous rendons compte de notre péché. Ce n’est que peu à peu que nous pouvons venir à bout des poches de résistance, qui nous empêchent d’entrer dans les promesses de Dieu. Bien que l’Éternel soit avec nous, nous avons encore bien des combats à mener ! "

La nécessité d’un choix !

Pour ce nouveau confinement, je vous propose d’aborder un livre difficile de l’Ancien Testament, dont on a bien souvent du mal à comprendre de quelle manière il nourrit notre foi. C’est en effet un livre très perturbant et violent, avec des histoires rocambolesques dont les héros hauts en couleur sont souvent discutables moralement. Mais nous allons voir que derrière ce livre sombre se cachent des leçons très utiles pour l’Église, afin de lutter contre l’idolâtrie qui la guette aujourd’hui encore.

Ce livre, c’est le livre des Juges. D’un point de vue chronologique, il nous raconte l’histoire du peuple d’Israël, pendant les siècles qui ont suivi son installation en pays promis, et ce jusqu’à l’instauration de la royauté de Saül (environ 1380 à 1050 av. JC). Le nom du livre est dû au type de dirigeant qu’Israël avait à cette époque. Avant d’avoir des rois, les tribus étaient gouvernées par des juges (terme traduit de l’hébreu). Mais attention, leur fonction n’était pas principalement de siéger dans un tribunal. Ces juges jouaient plutôt le rôle de leader politico-militaire régional, un peu comme un chef de clan. Le terme « juge » n’est cependant pas si inapproprié que cela. Dans cette période où il n’y avait pas de chef national, c’est justement par l’appel à respecter la Loi de Dieu que le peuple d’Israël devait être dirigé. Un des constats du livre sera l’échec de ce mode de leadership.
 
Notre passage de ce jour, le dernier chapitre de Josué, nous sert donc d’introduction.  Il nous permet d’abord de faire un point sur le contexte historique. Josué le rappelle des versets 1 à 13 : d’Abraham à Moïse, Dieu a conduit son peuple, afin qu’il vienne s’installer dans le pays de Canaan. Josué le précise, s’il y a bien eu des combats, ce ne sont ni les épées, ni les arcs qui ont donné la victoire aux israélites, mais Dieu a conduit en coulisse son peuple (v.13).

Mais si l’Éternel a agi ainsi en faveur de son peuple, ce n’est parce qu’Israël était un meilleur peuple que les autres. Dieu poursuivait en fait un double projet. D’une part, en installant le peuple d’Israël en Canaan, Il opérait son jugement sur l’idolâtrie cananéenne, dont la perversité avait été portée à son comble (Genèse 15.16, Deutéronome 9.4). D’autre part, Israël en étant fidèle à l’alliance du Sinaï (les 5 premiers livres de la Bible) devait refléter la nature de Dieu devant les autres nations. Voilà ce que l’on s’attendrait à trouver dans le livre des Juges.

Et, c’est tout le sens de l’engagement solennel, demandé par Josué au peuple d’Israël au moment de s’installer en terre promise. Ce passage est vraiment étonnant ! Malgré tout ce que le peuple a vécu (le passage à sec du Jourdain, la chute des murailles de Jéricho, etc.), c’est comme si Josué ne croyait pas que le peuple allait continuer de suivre l’Éternel : « vous n’y arriverez pas, vous n’avez pas mesuré à quel point votre Dieu est saint, animé d’une saine jalousie, vous n’arriverez pas à rester fidèle à un tel Dieu » (19) ! Ô combien ce passage est troublant quand on pense à la suite ! Car à la fin du livre des Juges, on ne pourra que constater l’échec d’Israël : un peuple tombé en déchéance, qui loin de refléter la nature de Dieu a fini par agir aussi mal que les Cananéens !

Nous ne sommes plus en Canaan, mais le défi de vivre la volonté de Dieu dans une société idolâtre est tout aussi grand. Sans un choix clair et conscient de ce qu’il implique, nous ne pourrons pas résister à la pensée séculière de notre société. Nous ne pouvons pas par nos propres forces faire mieux que ceux qui nous entourent ! Ne cédons pas au compromis qui nous environne si facilement, mais à la manière de Josué affirmons notre choix : « Moi et ma maison, nous servirons l’Éternel ! » (15)
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